Colette Spinat

Éducatrice spécialisée, psychologue clinicienne, installée en libéral avec son mari sur Pontoise, elle impulsa la création du Centre de Guidance Infantile et poussa Cécile PATIN à prendre en charge des enfants et adolescents, l’envoyant en 1962 dans une école de rattrapage scolaire où tout à démarré.
« En faisant connaissance de Monsieur et Madame Spinat, psychologues cliniciens tous les deux, cela m’orienta  vers l’intervention auprès d’enfants inadaptés scolaires. En effet, l’écoute de mes observations sur un élève qui avait toujours l’esprit ailleurs, incita Colette Spinat à me confier des cas relevant de la psychomotricité » cf : biographie Cécile Patin.

Née en 1935 Madame Spinat est un des piliers de la Méthode Cécile PATIN.

Toujours en recherche de solutions pour des enfants et des adolescents en souffrance ou en rupture scolaire elle a insufflé un grand nombre d’initiatives, de création d’associations diverses, en lien avec les familles et les différents partenaires du monde médical, rééducatif et pédagogique.

Dans le cadre de la réflexion vécue nous retiendrons :

– l’ouverture d’un atelier école parallèle en 1977 ; l’atelier école La Vague
– l’ouverture de l’Espace Éducation et Orientation
– l’association pour enfants et adolescents (AEA)
– le café des parents avec l’UDAPEI, devenu l’action familiale de l’ODAPEI en recherche d’un lieu d’échanges pour des parents d’enfants inadaptés
– le Point Écoute Famille (PEF) permanence gratuite d’accueil et d’écoute

Aujourd’hui retraitée, Colette Spinat est membre d’honneur du Conseil d’Administration de l’association.

Texte de Colette SPINAT :
La Réflexion vécue par le jeu corporel est née dans la nécessité de trouver réponse d’aide à des situations d’enfants, de jeunes en difficultés d’apprentissage scolaire ou relationnelles, à des inadaptations, inadéquations à des exigences au quotidien, sans que cela apparaisse entrer dans le cadre d’une « pathologie ». Un enfant hémiplégique par exemple n’est pas un malade : il a besoin d’être accompagné pour s’inventer son propre style de vie.
Dans les années 60 nous avions, mon mari et moi, un cabinet de consultation privée psychopédagogique, né sur l’incitation d’un collège réputé alors pour son esprit d’innovation pédagogique. Procéder à un bilan d’aptitudes pour mieux cerner un potentiel, situer des difficultés à s’adapter aux situations, permettre à une personnalité de découvrir son originalité, ses forces et ses faiblesses, ses handicaps, a souvent besoin d’un suivi, dans la réalité des exigences de vie. Ce ne sont pas forcément toujours les thérapies, les aides rééducatives, orthophoniques, mais ce peut être une aide originale de repérage de son propre fonctionnement, de la connaissance de soi et d’un tout à attendre.
Enfants ou adolescents en difficulté d’apprentissage, d’adaptation, ont de plus en plus des carences de repères espace-temps, une mauvaise représentation de leur corps, de leur « psyché », de son « jeu ». Carences par une sorte d’oubli pédagogique, quels que soient les aspects cliniques d’handicaps objectifs… Comme si à l’éducation actuelle des jeunes parents, des crèches et nourrices, des maternelles, il manquait d’avoir accompagné à petits pas, en constant repère de sécurité, progressif, personnalisé, une liberté à conquérir à son rythme, respectant des étapes de base indispensables, ordonnées selon une implacable logique de construction. Comme un jeu d’encastrement où la faiblesse d’un seul petit support met en jeu tout un équilibre d’ensemble si elle n’a pas été repérée à temps, et consolidée dans des expressionhs et modalités tout à la fois originales et non dans l’adaptation d’un groupe.
Dans les séances, les sessions, chacun apprend à respecter la difficulté de l’autre, qui se dévoile, apprend la tolérance, comprend que l’autre ne puisse comprendre, accepte et assimile pourquoi soi-même comprend ou ne comprend pas des éléments simples, évidents pour l’autre, ou domine ou ne domine pas… La clientèle des instables, inattentifs, faux et vrais gauchers (très en vedette dans les années 60), des mal orientés entre la gauche et la droite, des trops rapides ou trop lents, des têtes en l’air, des nerveux, des « handicapés » qui acceptent cette première démarche éducative qui ne fait pas peur, va vivre une situation originale de découverte de soi, permettre une observation plus affinée de ses difficultés, mieux apprécier les points faibles et points forts sur lesquels travailler. L’orientation ensuite devient logique lorsque l’origine des troubles relève de perturbations émotionnelles ou d’handicaps situés et reconnus par la personne et son entourage, non en fausse culpabilité mais en meilleure objectivité.
Pour beaucoup d’enfants le code de conduite de la vie, la sienne, celle des autres, peu ou pas intégrée, en confusion entre la loi fondamentale et les habitudes et les règlements arbitraires, amène des désordres dans la construction de sa personnalité, dans une sorte d’incohérence des réponses à donner lorsqu’on doit obéir parce qu’on est un enfant. ou inversement ses désordres intérieurs ont interdit la construction en cohérence libre du nécessaire « code de conduite ». La structuration progressive de l’intelligence dans ses repères au corps en constant jeu relationnel de la pensée permet cette dimension d’autonomie gagnée par la personne dans sa globalité, davantage capable de maîtriser impulsions et réflexion, mener des opérations mentales et contrôler conduites corporelles, intellectuelles autant qu’émotions.
Le vocabulaire utilisé par Cécile PATIN est cru, rugueux, précis, parfois incisif, vert et tendre à la fois, comme la vie au quotidien à laquelle elle accroche intensément pour la dominer avec élégance. Pour évoluer dans la vie, ce ne sont ni conseils, ni recommandations, ni « dressages » qui manquent. Les évaluations des spécialistes s’affinent pour démasquer les handicaps à traiter précocement, à accompagner techniquement. L’objectif des valeurs de liberté à conquérir sur soi n’y est pas toujours clair, s’adapter, réussir pour avoir sa place étant les maîtres-mots du monde moderne.
Ce travail de Réflexion Vécue pourra faire peur à certains par un vocabulaire qui évoque par moment un certain « dressage » au moment où les pédagogies comportementalistes nous envahissent. Il est né d’une kinésithérapeute qui a le langage fonctionnel en conséquence. Il ne faudrait pas s’y tromper, lorsque l’enfant ou l’adolescent ou l’adulte fait son « constat » au niveau de ses capacités d’écoute, de contrôle, de maîtrise, qu’il affine ses réponses en conséquence par un jeu personnel pensée-action, il est pris dans sa propre expérience, dont il tirera bénéfice à plus ou moins long terme, nécessitant ces « reprises » qui sont l’essence même de la vie, sans routine, en perfectionnement de soi.
En regardant des enfants jouer aux équilibristes sur les épaules d’un adulte, l’image s’est souvent imposée à moi de l’inutilité des « conseils » tant que l’écoute ne se propage pas dans les sensations intimes nerveuses et musculaires, en force et en souplesse, sans peur ni forfanterie, en concentration et jubilation de l’aisance d’une réussite assurée, car c’est sa conquête. Celle que veut permettre Cécile PATIN à tous et chacun quel que soit son handicap avec qui il faut apprendre à vivre, au mieux, sans fausse réparation pour « normaliser » arbitrairement.