Cécile Patin

Née en 1923 , monitrice- chef d’éducation physique, directrice de colonies de vacances, Maître de gymnastique éducative et corrective et kinésithérapeute elle créa en 1967 le Centre de Guidance Infantile à Pontoise avant de fonder le Centre National d’Entraînement à la Réflexion Vécue par le Jeu Corporel en 1975 qui s’intitule maintenant méthode Cécile Patin. Elle est décédée en novembre 2012.

extrait de sa biographie :

Ma façon de lire l’attitude corporelle, ce regard de maquignon, vient sans doute de ma mère.
Pendant l’entre-deux guerres, ma famille habitait la petite ville de Noyon (4 à 5000 habitants) : on s’ennuyait ferme le dimanche et, accoudées aux fenêtres avec ma mère, nous regardions passer les gens. Et ma mère avait toujours une formule picarde pour décrire la personne qui passait :
« -regardes-donc celle-là, c’est dis bonjour eum’tête, mun cul y vient »
Ce qui désignait une personne fonçant tête en avant,
Ou :
« – elle se redresse comme une crotte sur le bord du trottoir »
Ou encore :
« -elle prend son derrière pour l’entrée d’une grande ville »
Nos parents nous poussaient à travailler, la scolarité n’étant obligatoire que jusqu’à 12 ans. Ils nous apprenaient aussi à ne pas nous écouter :
« – maman, j’ai mal à la tête…
–    C’est un mal de seigneur, ça n’monte pas plus haut, va à l’école »
Ils nous ont donné le sens du devoir à accomplir et je pense que cela a eu une grande influence sur ma conduite et m’a incitée à toujours aller de l’avant et à pousser les autres.

Ma sensibilité aux difficultés scolaires vient peut-être d’un parcours personnel un peu compliqué. Dans une famille nombreuse (7 enfants) de petits employés de cette époque-là, sans sécurité familiale ni allocations, c’était difficile de financer les études de tous ses enfants.
Jusqu’à 6 ans j’ai un souvenir familial très serein. Puis j’ai dû rejoindre mes 2 sœurs aînées chez ma tante et la grand-mère à Compiègne où, jusqu’à mes 14 ans, le mot serein a été totalement effacé. C’était l’époque de l’obéissance aveugle et de la bonne tenue générale : politesse, propreté, être bien pour ne pas choquer. Asphyxiées de conventions sociales nous n’existions pas par nous-même, le rêve était interdit.
Ce fut un véritable choc par rapport à la bonne franquette de mon enfance.

A l’école les débuts furent durs puisqu’après le CP on me fit redescendre de la 2ème à la 3ème classe, la directrice étant venue dans la classe nous dire :
« – je viens chercher la petite fille qui ne convient pas, elle le sait, elle va se lever ».
Comme personne ne se levait, la déduction logique me fit penser que c’était peut-être moi, alors que je n’avais aucune conscience de mon infériorité scolaire par rapport aux autres. Ce fut un réel étonnement mais habituée à obéir sans discuter cela c’est fait logiquement et dans une totale incompréhension.

Ce retard a été récupéré au certificat d’Étude puisque dans la classe supérieure qui était classe unique du CE1 au CM2, je le passais en même temps que ma sœur d’un an plus âgée et brillante élève. A la fin du CM2 j’ai obtenu le Certificat d’Étude Primaire libre organisé par l’enseignement libre. Par contre je fus  recalée au Certificat d’Étude primaire de l’Éducation Nationale pour un zéro dû aux cinq fautes éliminatoires en dictée (ni faute d’accord, ni de grammaire mais des fautes de vocabulaire comme des lettres doublées ou non doublées ; tel poison pour poisson). Après ce redoublement je fus recalée une deuxième fois pour un problème de calcul en ayant un zéro éliminatoire à l’un des deux problèmes.

Cependant je fus jugée apte à intégrer une cinquième dans un établissement secondaire privé, en assistant aux cours de latin et de grec sans participer aux devoirs et aux leçons en prévision de l’arrêt de ma scolarité à la fin de cette 5ème. Là, j’ai découvert l’algèbre et la géométrie et ces nouveaux programmes me firent prendre conscience qu’avant je n’avais que ressassé l’histoire de France avec ses rois, sa révolution et la guerre de 14 ! Cette ouverture m’a donné alors un intérêt certain pour des études. Je fus présentée au Certificat d’Étude Complémentaire Privé où je fus reçue première du département de l’Oise, avant même le CEP officiel que j’ai finalement obtenu la même année.

En 1937, je fêtais mes 14 ans pendant l’été et je revins vivre en famille où je fus mise en apprentissage de couture chez une modiste, comme ma sœur Geneviève ; je passais un an à surfiler et à coudre des pressions à longueur de journée, sans rien apprendre. Ma sœur fut retirée de son apprentissage pour aider ma mère lors de la naissance de son septième enfant. Une maladresse de couture excessive sur un tissu très fin m’a valu de n’être pas reprise. Nous suivions ensemble les cours du soir de sténodactylo que la mairie organisait gratuitement deux fois par semaine avec, en complément, un cours privé chez une professionnelle qui préparait aux diplômes. Cela pendant deux ans.

C’est ainsi qu’en octobre 1939, venant de fêter mes 16 ans, j’entrai comme employée de bureau EDF à Noyon ; j’ai souvenir de grandes pages d’additions faites de tête.

De mai à septembre 1940 ce fut l’évacuation avec la découverte forcée d’activités rurales. En effet ma mère dût me placer dans une ferme afin de l’aider aux besoins de la famille, étant seule à ce moment-là avec 5 enfants. J’appris à démarier les betteraves, à faire la moisson et à traire les vaches. Peut-être cela était-il prémonitoire car ce fut bien des années plus tard, aux cours d’apprentissage de mon école de massage que je découvris les mêmes sensations de fatigue musculaire à masser (au début) qu’à traire les vaches !

A suivre…